PLACARDISATION D’UN SALARIÉ CONDUISANT AU BORE OUT : REQUALIFIÉ DE HARCELEMENT MORAL

 In Droit du travail

Le 2 juin 2020, la cour d’appel de Paris a rendu un arrêt remarqué sur le bore-out.

M. X avait été engagé le 1er décembre 2006 par contrat de travail à durée indéterminée en qualité de responsable des services généraux. En arrêt maladie depuis le 16 mars 2014, il avait été licencié le 30 septembre 2014 pour absence prolongée nécessitant son remplacement définitif.

M.X saisissait alors de conseil de prud’hommes de Paris qui a fait droit à ses demandes, par jugement du 16 mars 2018. L employeur a interjeté appel pour contester tout fait de harcèlement.

Le 2 juin 2020, la cour d’appel de Paris a confirmé le jugement déféré, sauf en ce qui concerne les montants accordés en réparation du harcèlement moral subi et au titre de la nullité du licenciement.

En premier lieu, la cour d’appel considère que l’employeur n’a pas réussi à démontrer que les agissements que dénonçait M. X étaient étrangers au harcèlement moral, lequel est par conséquent établi. Elle se fonde sur les articles L1152-1 et L1154-1 du code du travail. Le premier texte, qui pose le principe de l’interdiction du harcèlement moral du salarié, le définit comme des agissements répétés « qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». Le second texte porte sur la charge de la preuve, adaptée dans les litiges relatifs au harcèlement moral : le salarié « présente des éléments de fait qui permettent de supposer l’existence d’un harcèlement » et, au vu de ces éléments, « il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ».

En second lieu, la cour d’appel confirme la nullité du licenciement de M. X et se fonde sur l’article L1152-3 du code du travail, lequel dispose que « toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L1152-1 et L1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul ».

Elle énonce sous forme de rappel que lorsque l’absence prolongée d’un salarié est la conséquence d’une altération de son état de santé consécutive au harcèlement moral qu’il a subi. L’employeur ne peut se prévaloir pour le licencier du fait que cette absence perturbe le fonctionnement de l’entreprise.

L’arrêt de la cour d’appel de Paris comporte le terme de bore-out.

Le bore-outennui en anglais est défini comme « une grande souffrance imputable au manque d’activité pendant le temps de travail ». Il désigne un état émotionnel désagréable de faible stimulation et d’insatisfaction, causé par une situation de travail qui n’offre pas assez de sollicitations. Il évoque aussi une intense fatigue provoquée par l’absence de travail à effectuer.

L’article L4121-1 du Code du Travail rappelle que l’employeur doit prendre des mesures pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; il doit intégrer dans la prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation, et la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

La cour d’appel retient que cette chronologie et ces données circonstanciées ont permis à M. X d’établir « la matérialité des faits précis et concordants à l’appui d’un harcèlement répété et que, pris dans leur ensemble, ces faits permettent de présumer un harcèlement moral ».

La cour d’appel considère le harcèlement moral établi. Elle retient aussi, contrairement à ce que prétendait l’employeur, que les conditions de travail de M. X sont en lien avec la dégradation de sa santé, « l’état dépressif éventuel préexistant n’étant pas de nature à dispenser l’employeur de sa responsabilité d’autant qu’il n’a pas veillé à ce que [le salarié] bénéficie de visites périodiques auprès de la médecine du travail, ainsi que celle-ci le déplore dans le dossier médical produit par [l’employeur] ».

Il en résulte l’application de l’article L1152-3 du code du travail au licenciement du salarié. L’état de santé à l’origine de l’arrêt de travail ne peut fonder le licenciement, quand bien même il aurait perturbé le fonctionnement de l’entreprise.

Mais il est délicat de connaitre la raison de cette absence prolongée justifiant son licenciement ; cela relève en principe du secret médical.

En tout état de cause, il convient de vérifier au préalable les clauses de garantie d’emploi prévues dans les conventions collectives.

Le Cabinet peut vous accompagner à propos d’une décision à prendre à propos d’une absence prolongée pour maladie.

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