On ne badine pas avec les mots et les courriels
Rappelons le contexte :
M. L… a été engagé à compter du 1er mars 2010 par la société Bornes et Balises, devenue la société S, en qualité de responsable commercial régional, statut cadre ; que le salarié a saisi la juridiction prud’homale, le 15 octobre 2013, afin de solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail ainsi que le paiement de diverses sommes ; qu’il a été licencié le 29 novembre 2013, pour faute grave pour avoir tenu des propos dépassant son droit d’expression et de critique à l’égard des dirigeants ;
L’arrêt retient qu’à l’appui du comportement agressif et critique à l’égard d’autres salariés et des responsables hiérarchiques, provoquant un climat conflictuel et une ambiance délétère, reproché au salarié dans la lettre de licenciement, l’employeur produit des échanges de courriels.
Si deux salariés reprochent l’arrogance et/ou l’attitude agressive de l’intéressé, il ressort des courriels produits qu’aucun propos agressif n’a expressément été tenu par ce dernier.
En revanche les propos irrespectueux de l’intéressé à l’égard de ces deux salariés, de qui il n’est pas le supérieur hiérarchique, sont inappropriés eu égard au contexte professionnel des échanges, ce dernier ne pouvant s’adresser à eux de la manière suivante :
« Peut-on répondre à son besoin oui ou non ? »,
« Concernant ma demande je ne vous parle pas d’urgence, je vous demande une réponse dans les meilleurs délais »,
« Le premier bon à tirer qui n’est ni fait ni à faire »,
« Crois-tu que je puisse traiter ce genre de mail ? »,
Si les courriels ne peuvent pas traduire le ton arrogant ou agressif employé, et si le salarié s’est défendu de toute agressivité, il n’en demeure pas moins que ces salariés se sont plaints de son attitude, un tel comportement répété étant nécessairement nuisible au bon fonctionnement de l’entreprise.
De sorte que l’employeur justifie également du caractère déplacé des propos du salarié à l’égard de son supérieur hiérarchique, notamment par l’emploi des termes suivants « je ne sais pas comment vous pouvez écrire de telles calembredaines », « vous êtes très mal informé ».
Enfin l’employeur ne justifie pas de l’attitude du salarié « particulièrement agressive, allant jusqu’à traiter, à plusieurs reprises, M. G… de « menteur » », lors de l’entretien.
Par conséquent l’attitude du salarié, si elle n’est pas constitutive d’une faute grave, en l’absence de tout propos expressément agressif ou arrogant, est néanmoins constitutive d’une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Ainsi le juge requalifie le licenciement pour faute grave en un licenciement pour cause réelle et sérieuse et en ce qu’il déboute M. L… de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement abusif, l’arrêt rendu entre les parties par la cour d’appel de Nîmes le 23 janvier 2018.
Pourvoi n° 18-14.177
Cour de Cassation Arrêt du 15 janvier 2020